Lisa Belliato, le
mouvement
perpétuel

Publié le 17/11/2013 à 03:51, Mis à jour le 17/11/2013 à 09:58 portrait

Ici sur la scène des Trois-Ponts à Castelnaudary, Lisa Belliato vit la danse comme «une voie d’accès» à soi et aux autres. /Photo DDM archives

On a beau chercher un secret, une recette miracle pour cerner ce régime hyperactif, on ne trouve pas. On s’en tiendra à ce qui émane d’elle : une vitalité solaire. Lisa Belliato est «una bella personna», comme on dit chez nos amis transalpins pour définir l’humanité radieuse de quelqu’un. D’italien, Lisa en a le nom. Celui de son époux, professeur d’escrime à la MJC de Carcassonne. Ses origines à elle s’enracinent, côté mère à Paris et côté père, en Espagne et en Andorre. Elle, elle se définit Carcassonnaise.

Vitalité donc. À 26 ans, Lisa est prof de danse depuis déjà 11 ans, déléguée régionale de la fédération handidanse, administratrice de ladite fédération, mère de deux garçonnets de 5 ans et 16 mois – «je voulais fonder une famille tôt», dit-elle avec une fierté joyeuse -, danseuse de la Cie Yikodancefaso de Gahe Bama à Castelnaudary, fondatrice de sa propre compagnie Synoptic et artiste qui travaille à la création de deux pièces. Et quand on écrit prof de danse, il faut préciser que c’est 30 heures par semaine à Carcassonne (MJC), Palaja, Castelnaudary (dans une école de danse Élan et les ateliers culturels de la ville), Alzonne (FEP), Bram (collège, option danse). Ouf ! Et encore on vous fait grâce de la liste des interventions ponctuelles de cette habitante de Saint-Papoul. La dernière rencontre dansée remonte à peu de temps auprès de malades Alzheimer à Castelnaudary. Quand on lui demande si elle a un violon d’Ingres, cela fait tilt : «Eh bien non, aucun ! Je me rends compte que depuis mes études, je n’ai pas cessé d’enchaîner les cours et les projets».

Danse et bac S

Pourquoi la danse ? La question ne s’est jamais posée. Son chemin est tracé depuis l’enfance : elle a toujours voulu danser et avant tout former les autres. «Je savais que je serais prof de danse». Aucun modèle familial là-dedans : une mère infirmière et un père employé de mairie, compositeur et musicien. Môme, cette ancienne élève d’Odile Cals a fait ses armes comme danseuse classique avant de bifurquer vers le modern jazz. Au lycée, l’affaire se corse. Là voilà qui bachote à fond pour décrocher son bac S, tout en cumulant les heures quasi quotidiennes de cours de danse, en tant qu’élève, et bientôt comme prof. Elle a 15 ans. «C’était à la MJC de Carcassonne. Le prof a souffert de blessures. Je l’ai d’abord assisté et puis il a dû s’absenter et ça s’est fait comme ça», raconte-t-elle simplement. La jeune fille de l’époque s’est retrouvée face à ses propres camarades. Camarade est un bien grand mot ! Il a fallu qu’elle s’affirme. Cette expérience la nourrit au quotidien : «J’avais du mal à m’intégrer aux autres. La danse m’a permis de trouver ma place. C’est une voix d’accès». Tenace, elle s’est construite instinctivement dans ce cheminement impérieux. Elle se souvient de quelques humiliations, de son corps d’ado jugé trop rond par l’un de ses profs, trop en formes, pas assez filiforme et de ses régimes pour perdre du poids. «Mon prof de danse était un modèle. On se construit avec l’image qu’on vous renvoie. Rétrospectivement, je sais à quel point cela peut être dangereux de renvoyer ça à une ado».

Sa pédagogie et les valeurs qu’elle défend sont l’exact contraire du formatage et de la norme imposée qui rétrécissent les cerveaux et les silhouettes. Primo : le rapport au lieu. Que ce soit à la MJC ou dans une école dédiée, la danse c’est du sérieux ! Son exigence ne varie pas. Secundo : inclure au lieu d’exclure car elle sait physiquement et intimement l’épanouissement qu’apporte son art. «La danse est trop élitiste. N’importe qui qui a envie de danser doit pouvoir trouver un lieu pour apprendre et partager avec d’autres». Parce qu’elle trouve injuste la sélection, elle s’est spécialisée dans l’handidanse. Depuis 2007, elle a ouvert un cours, d’abord aux danseurs aveugles et depuis cette année, aux personnes handicapées moteur, à la MJC.

Elle dit de son parcours qu’il est «à l’envers». «D’habitude, on rentre dans une Cie et puis on vient à l’enseignement plus tard. Moi, c’est dans l’autre sens !». Elle vient d’intégrer la Cie Yikodancefaso. Et avec huit de ses élèves au sein de sa propre compagnie ainsi qu’aux côtés de sa plus ancienne élève, Jocya Ripiego, elle se lance depuis peu dans l’aventure de la création nourrie de sa riche expérience humaine. Et de son désir inaltérable de transmettre. Pour Jocya, étudiante au conservatoire à Toulouse, Lisa Belliato est animée par sa générosité, sa passion et une curiosité sans bornes. «Elle est exigeante, perfectionniste et toujours positive». La création sur laquelle planchent les deux jeunes femmes met au cœur la relation de mère-fille. La transmission, encore et toujours.

Céline Samperez-Bedos