Carcassonne : elle fait danser les malvoyants et les handicapés
Le 07 mars à 16h24 par Laurent Costes | Mis à jour le 07 mars
- Lisa Belliato est déléguée régionale handidanse.(Photo par CARCASSONNE CLAUDE BOYER)
Lisa Belliato propose depuis 2008 des cours de danse pour les malvoyants et handicapés à la MJC. Cette jeune professeur met un point d’honneur à ouvrir cette discipline à ceux qui en sont exclus.
Les tutus, ce n’est pas trop pour elle. Avec le classique, « ce n’est pas le grand amour« , avoue celle qui préfère le modern jazz ou le contemporain. Au milieu de l’univers bien réglé des profs de danse, Lisa Belliato détonne. Prête à tous les défis pour enseigner cet art, cette jeune mère de famille a choisi, parmi ses élèves, des malvoyants et des handicapés, généralement exclus de cette discipline. Depuis 2008, Lisa Belliato anime ainsi un atelier spécifique à la MJC.
« Tout passe par les mots. Personne n’aime être manipulée comme un pantin. Alors j’essaye d’être la plus précise pour les orienter. Il faut remettre en cause tout son enseignement.«
Cette aventure, Lisa Belliato la nourrissait depuis longtemps. La prof garde toujours en travers de la gorge, les réflexions dont elle a fait les frais, comme nombre de jeunes filles qui ne correspondent pas à l’esthétique de la danse classique. « On me faisait constamment remarquer que j’avais un ou deux kilos de trop. Et j’étais pourtant mince ! » Son visage s’assombrit quand elle évoque les cas de certaines élèves, cachées en fond de scène pour les spectacles, car honorées de formes pourtant si naturelles.
C’est cette « injustice« , qui a orienté la jeune femme dans son futur métier vers les exclus de cet art. Mais dans cet univers où il ne faut visiblement pas trop se distinguer, personne n’était intéressée pour accueillir de tel cours. C’est donc à la MJC, lieu ouvert à la diversité, que Lisa Belliato a ouvert son atelier. Et ainsi pimenter la profession qu’elle rêvait d’exercer depuis toujours.
Car si beaucoup de ses camarades de barre s’imaginaient en danseuses étoiles, Lisa Belliato souhaitait, elle, enseigner cette discipline qu’elle a embrassée à 3 ans.
« Enfant, je dansais tout le temps à la maison« . Depuis, Lisa Belliato n’a jamais arrêté. Multipliant les cours de classique et jazz à l’adolescence. Arrivée avec sa mère à Carcassonne en 1996, l’élève se perfectionne presque tous les soirs et le mercredi chez Odile Cals.
Son agenda ne laisse guère de place à l’ennui. Après la classe, la jeune fille, titulaire d’un bac scientifique, enfile les ballerines. Elle s’essaye aussi à la musique avec l’apprentissage du piano et de la clarinette puis au théâtreavec Alain Pérez dit « Pèpe ».
« Mais je n’avais pas le temps, même si j’avais quelques facilités en musique« . Lisa Belliato ne conserve finalement que la danse. Et elle devient, à seulement 16 ans, animatrice d’un atelier à la MJC. « J’étais venue assister un professeur. Il m’a laissé son cours. J’avais à gérer des filles plus âgées que moi. Je ne me suis pas laissée faire… » On n’en doute pas : derrière les yeux verts de cette enseignante, se cache un caractère visiblement bien trempé.
C’est par sa mère que Lisa Belliato a connu la vénérable institution du 91, rue Aimé-Ramond. Bénévole, cette infirmière donnait des cours de maths, en soutien scolaire. C’est peut-être par cette fibre familiale que la professeur a choisi d’intervenir auprès des handicapés. Elle est même allée faire danser dans les hôpitaux des malades d’Alzheimer. « Je les sors d’un environnement un peu lourd ».
Engagement qui la conduit à assurer la délégation régionale de la Fédération française Handidanse depuis trois ans. Cette jeune maman, – les prénoms de ses deux fils sont tatoués sur son bras gauche -, multiplie aussi les scènes avec ses élèves de la MJC. On l’a dernièrement vu au festival Graines d’artiste à Jean-Alary ; et jeudi, à Castelnaudary. Les kilomètres ne lui font pas peur : outre les séances à Carcassonne, la jeune femme enseigne aussi classique, jazz et hip-hop à l’école de danse Élan à Castelnaudary, Palaja et Alzonne… Autant dire que les week-ends tranquilles sont rares chez les Belliato : son mari, Thomas, enseigne l’escrime… à la MJC, entre autres.
Depuis quelque temps, la professeur rêve à nouveau de scène. Elle vient de monter la compagnie Iridium pour un duo sur la relation mère et fille. La création sera dévoilée le 22 mai à Alzonne. Elle nourrit aussi d’autres projets. Comme monter sa propre école de danse où le public handicapé sera, bien sûr, accueilli. Son étoile sera toujours l’enseignement de la danse pour tous.
Ses dates-clés
10 décembre 1986. Naissance à Béziers.
- Premiers cours de danse à Bédarieux.
- Arrivée à Carcassonne.
- Elle débute l’enseignement de la danse à la MJC.
- Elle intègre le centre James Carlès à Toulouse.
- Premiers cours donnés à des élèves malvoyants.